Origine http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/boltanski.html
LES FICHES DE LECTURE de la Chaire D.S.O.
SOMMAIRE
1 - Biographie des auteurs
2 - La ou les questions posées par les auteurs
3 - Les postulats
4 - Les idées clés
5 - Le résumé
6 - Illustration par des questions d’actualité
1 - LES AUTEURS
Luc BOLTANSKI est sociologue. Il enseigne à l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences Sociales
En 1982 il écrit "les cadres"
Ces principaux ouvrages sont : Les Cadres. Formation d’un
groupe social publié en 1982, Les économies de grandeurs
en 1987, L’amour et la justice comme compétence, édition
Métaillé, 1990.
Laurent THEVENOT est économiste. Il enseigne à l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Les auteurs ont co-écrit les livres suivants :
*
Les économies de la grandeur
*
De la justification. Les économies de la grandeur
2 - LES QUESTIONS POSÉES PAR LES AUTEURS
Le sujet général de l’ouvrage porte sur la
relation et les enjeux entre accord et discorde. Pour cette étude,
les auteurs vont construire un cadre permettant d’analyser
à l’aide d’instruments théoriques les
différentes logiques d’action (dans les mondes marchands,
civique, industriel, etc…) en dépassant le clivage
entre la sociologie et l’économie
Les auteurs vont poser les questions suivantes :
* Quelles sont "Les opérations critiques aux quelles
se livrent les acteurs lorsqu’ils veulent manifester leur
désaccord sans recourir à la violence" ?
* Quelles sont "les opérations au moyen desquelles
ils parviennent à construire, à manifester et à
sceller les accords plus ou moins durables" ?
* Tout développement dans les sciences sociales doit-il
nécessairement s’inscrire dans l’alternative
détermination collective ou choix individuel ?
3 – LES POSTULATS
Les auteurs proposent une perspective différente de celle
offerte par les oppositions à l’usage dans les sciences
humaines notamment dans la sociologie de DURKHEIM où la mise
en ordre est obtenue par le recours à la notion de collectif
qui s’opposerai au courant de l’économie où
l’ordre ou l’équilibre est le résultat
intentionnel de choix individuels (approche en terme de choix rationnels).
Les auteurs vont montrer qu’il existe six "mondes"
différents qui constituent des sortes de cités correspondant
à l’existence de pluralité des formes de généralités.
L’hypothèse est que l’identification des mondes
est une phase nécessaire pour construire des accords.
4 – LES IDÉES CLES
Les idées clés contenues dans ces travaux de recherches
sont clairement exposées dans le résumé. Les
auteurs y explicitent leurs nouveaux concepts et leur démarche
"conventionnaliste" dite "des économies de
grandeur".
5 – LE RÉSUME DU LIVRE
Première partie
L’impératif de justification
CHAPITRE 1 – Les sciences sociales et la légitimité
de l’accord
Les auteurs examinent les réponses classiques apportées
par les sciences sociales à la question de l’accord,
notamment les controverses entre la sociologie Durkheimienne avec
le holisme et économie libérale mue par l’intérêt
individuel. Les auteurs veulent montrer que par delà les
différences entre ces deux conceptions opposées, celles-ci
fondent l’accord de la relation entre des personnes particulières
et une forme de généralité nommée "principe
supérieur commun" permettant de dépasser les
particularités des personnes et de constituer les fondements
d’un accord.
La tension entre recours à des formes générales
(volonté collective) et la référence à
des intérêts particuliers des personnes n’est
pas le résultat de la confrontation entre deux systèmes
d’explications, mais elle est au cœur de chacun d’eux.
Cette construction à deux niveaux "forme une armature
théorique commune à ces systèmes qui les constituent
en métaphysique politique".
La démarche des auteurs vise à faire apparaître
les éléments de similitude, sous l’apparence
irréductible de l’opposition méthodologique
entre explications de conduites individuelles et des explications
de comportements collectifs, cela afin de relier les exigences de
l’accord aux conditions de la discorde. Pour ce faire les
auteurs vont examiner la structure des constructions méthodologiques
et vont se limiter à deux des élaborations théoriques
des sciences sociales : la sociologie et l’économie.
Ces disciplines prennent appui sur une règle d’accord
et prennent aussi appui sur une référence à
une forme universelle dépassant les particularités
des personnes.
Les auteurs vont monter que ces deux disciplines ont été
engendrées à partir de philosophies politiques qui
leur ont servi de matrices, et dans lesquelles les métaphysiques
sous- jacentes sont exposées.
En conséquence, "l’examen de ces engendrements
et des ruptures qui les (disciplines) accompagnent fait apparaître
une transformation identique d’un principe supérieur
commun normatif en une loi scientifique positive".
La forme d’accord qui est apparu entre les personnes (par
le collectif, par le marché) est un principe général
qui a été proposé dans la philosophie politique
pour asseoir le bien commun et assurer la concorde en accordant
les volontés.
Les auteurs en déduisent que les principes d’accords
étant au moins au nombre de deux, en conséquence aucune
des deux disciplines (sociologie et économie) ne peut traiter
séparément du rapport entre ces deux formes de lois.
Ainsi, cette incapacité à traiter ces deux formes
gène le traitement "des objets limitrophes" à
ces disciplines comme les organisations.
CHAPITRE 2 – Le fondement de l’accord dans la philosophie
politique : l’exemple de la cité marchande
Les auteurs montrent qu’à l’origine de la philosophie
politique marchande (construction de l’ordre marchand), il
y a la métaphysique politique. Cependant ceux-ci remarquent
que la science économique a distingué la question
de l’équilibre et celle du bien-être, mais on
a oublié que l’économie politique s’est
proposée de traiter la question de la paix sociale dans laquelle
l’intérêt des particuliers est mis en rapport
avec l’intérêt de tous (l’accord général
et la paix sociale).
Dans la science économique, le règlement de la discorde
repose sur deux piliers : d’une part, sur l’identification
commune des biens marchands qui permettent l’échange
et l’évolution du prix des objets qui permet un ajustement
par rapport à des actions diverses. Ainsi, les conduites
des personnes peuvent être tenues pour cohérentes selon
ce principe connu de tous, le marché.
D’autre part, la possibilité d’accord est également
liée à " une nature humaine qui offre une fondation
solide à l’édifice". Dans la théorie
des sentiments moraux, Adam SMITH décrit les rouages de l’entendement
humain ajustés aux exigences d’un principe de concurrence
(la main invisible).
Pour A. SMITH, le fondement de la cité repose sur l’établissement
d’un lien marchand. Ce même lien unit les personnes
par l’intermédiaire de " biens rares soumis aux
appétits de tous et la concurrence des convoitises subordonne
le prix attaché à la possession d’un bien au
désir des autres. Il indique que "les règles
du juste sont semblables aux règles de grammaire" mais
les éléments de cette grammaire ont été
élaborés antérieurement dans un contexte où
la valeur des biens repose sur la tradition du "juste prix"
des textes scolastiques qui prolonge les écrits d’Aristote
et participe de la construction des systèmes généraux
d’équité.
La question des convoitises n’est pas l’invention d’Adam
SMITH car chez les scolastiques, "la justice commutative aristotélicienne"
règle les échanges de biens et de services entre les
individus et la "théorie de juste prix" suppose
le concours de la communauté pour son estimation. Selon HUME,
le raisonnement est "propice au jugement sur les causes et
les effets, mais la raison n’influence pas nos actions".
Une des formes d’accord général repose sur
les liens marchands qui sont objets communs de désir comme
fondement à la cité marchande. Respectivement les
sociétés de HUME et de SMITH sont construites à
partir de la nature humaine et ne reposent pas sur une capacité
de calcul rationnel.
HUME met en avant "une disposition sympathique commune"
dans laquelle se trouvent les uns à l’égard
des autres. Cette disposition permet de faire reposer le lien social
sur un sentiment quasi physiologique partagé par tous, sans
recours à la raison. Donc tout objet qui procure du plaisir
à celui qui se l’est approprié "plaît
sûrement au spectateur pour une subtile sympathie avec le
possesseur".
Selon SMITH, le jugement des personnes se forment "en épousant
le goût et les passions des autres", et non directement
par l’idée ou la réflexion sur l’utilité
des conduites. Selon CABANIS dans les "rapports du physique
et du moral de l’homme", la sympathie est inscrite dans
le corps en tant qu’instinct fondamental.
Enfin, HUTCHESON fait référence à un état
de "spectateur" servant à en appeler au jugement
des autres pour justifier par le renfort de l’opinion publique,
une conduite inspirée par la bienveillance. HUME fait également
référence à un état de spectateur dans
lequel les personnes accèdent à un point de vue commun.
Deuxième partie
Les cités
CHAPITRE 3 – Ordres politiques et modèle de justice
Les auteurs vont procéder à l’étude
des contraintes qui pèsent sur la constitution des formes
d’accords visant la généralité. Pour
ce faire, ils vont s’appuyer sur des ouvrages classiques de
la philosophie politique utilisés en tant qu’œuvres
de grammairiens du lien politique, menant à la construction
d’un modèle de l’ordre légitime dans la
cité.
Pour faire face aux discordes (et aboutir à un accord), les
gens vont "se mesurer" en établissant des équivalences
et des ordres entre eux. L’hypothèse des auteurs est
que les hommes s’accordent parce que leur raison les conduit
à adopter à coup sûr l’un ou l’autre
des principes, suivants des constructions d’ordres qui concernent
les philosophies politiques tout autant que "les gens qui cherchent
à s’accorder en pratique".
Afin de vérifier l’hypothèse L. BOLTANSKI et
L. THEVENOT vont poser les questions suivantes : "Quelle est
la nature de l’épreuve à laquelle est soumise
la justification ?", "Comment les choses engagées
dans l’action servent-elles de preuves ?", enfin "comment
s’arrête le jugement et quelle est la dynamique de sa
remise en cause ?".
Les auteurs essaient de répondre à ces questions à
travers l’analyse de "manuels pratiques" qui proposent
de décrire "des justes façons d’agir"
de même que "les instruments appropriés à
ces actions". Ces œuvres expliquent et fixent les règles
d’accords permettant de bâtir une "cité
harmonieuse". Ces règles d’accords explicitent
les exigences que doivent satisfaire "un principe supérieur
commun" afin de soutenir des justifications.
De nombreuses œuvres classiques de philosophie politique proposent
des formes de bien communs auxquelles il est fait couramment référence
dans notre société. Ces œuvres tiennent de la
grammaire du lien politique servant à justifier des appréciations
sur le caractère juste ou injuste d’une situation lorsque
les parties ne peuvent plus transiger, l’accord doit alors
être établi à un niveau supérieur.
Les auteurs ont repéré les formes d’équivalences
sur lesquelles se fonde l’accord légitime dans les
traités politique classique. Chacun d’eux présent
"un principe universel" destiné à régir
la cité dans l’équilibre d’une justice.
Ces textes canoniques constituent la systématisation d’une
forme d’accord. Ainsi la tradition topique accorde une très
grande importance à la rhétorique dans la fondation
de l’ordre politique.
Les auteurs ont observé l’existence de six principes
supérieurs communs auxquels aujourd’hui en France,
les individus ont recours pour asseoir un accord ou soutenir un
litige.
L. BOLTANSKI et L. THEVENOT expliquent leurs choix par les critères
contenus dans les œuvres de philosophie politique présentant
chacun un des six principes supérieurs. De même qu’ils
présentent différentes "philosophies du bien
commun" et enfin ils dévoilent des modèles de
cité.
A. SMITH écrit le premier que les relations marchandes permettent
d’établir un principe universel de justification et
permettent de construire une cité fondée sur la "grandeur
civique". L’Etat suppose des dispositifs de compromis
entre différentes grandeurs. La grandeur est construite sur
le principe de la reconnaissance de l’opinion des autres,
elle est présente dans les textes des moralistes français
du XVIIe siècle. L’œuvre de HOBBES sera utilisée
afin d’en extraire l’idée de la "cité
d’opinion".
Les auteurs rappèlent que les textes choisis doivent énoncer
les principes de justice régissant la cité et doivent
comporter une visée pratique, qu’ils sont construits
comme une sorte de guide pour l’action. Afin, les ouvrages
doivent avoir connu une grande diffusion et leurs textes doivent
avoir été mis à contribution pour "confectionner
des technologies politiques", c’est à dire pour
construire des instruments de mise en équivalence de validité
très générale ou pour les justifier. Les auteurs
donnent l’exemple du contrat social qui a justifié
les constructions juridiques sous la révolution.
Les auteurs expliquent les jeux d’hypothèses qui permettent
de définir "le modèle commun de cité"
qu’ils présentent sous la forme de cinq axiomes. Premier
axiome, les membres de cité sont liés par un "principe
de commune humanité", c’est à dire que
ce sont des personnes susceptibles de s’accorder dans une
cité. Deuxième axiome, il doit exister un "principe
de dissemblance", l’absence de toutes différenciations
(l’Eden). Troisième axiome, les membres ont "une
commune dignité" c’est à dire une égalité
d’état des personnes. Le quatrième axiome porte
sur l’existence d’un "ordre de grandeur".
Enfin de dernier axiome pose que le bonheur est "un bien commun",
concept qui s’oppose à la jouissance égoïste
qui doit être sacrifiée pour accéder à
un état de grandeur supérieur.
Ainsi le modèle de cité est une réponse au
problème posé par la pluralité des principes
d’accords et permet la construction d’un ordre autour
d’un bien commun à l’exclusion d’un ordre
illégitime comme l’eugénisme.
CHAPITRE 4 – Les formes politiques de la grandeur
Les auteurs analysent la philosophie politique en raison de l’existence
des expressions "du bien commun" présentes dans
la société contemporaine. Ces formes sont explicitées
sous formes de cinq cités : la cité inspirée,
la cité domestique, la cité de l’opinion, la
cité civique et la cité marchande.
La cité inspirée.
Dans "la cité de Dieu", SAINT AUGUSTIN évoque
la possibilité d’une cité dont les membres fondent
leur accord sur une acceptation totale de la grâce à
laquelle ils n’opposent aucune résistance.
"La cité de Dieu" est un ouvrage historique qui
constitue une des premières grandes construction d’une
philosophie de l’histoire retraçant l’histoire
d’un combat qui se joue depuis la venue du messie entre deux
mondes possibles : l’un habité par la grâce,
l’autre privé de la grâce. Pour SAINT AUGUSTIN
ces deux cités constituent des "modèles"
car ces cités permettent de lier l’histoire du salut
et l’histoire politique dans une philosophie de l’histoire
d’où l’opposition entre le royaume et le monde.
Ces deux cités sont hiérarchisées selon le
degré auquel elles réalisent le " bien commun
" et assurent le bonheur et la concorde des êtres. Seul
la cité de Dieu mérite le nom de "cité"
au sens où nous l’entendions ici, car elle est seule
capable d’amener les êtres à dépasser
leur capacité dans la poursuite d’un bien commun. Elle
est fondée sur "l’humilité" alors
que la "cité terrestre" est habitée par
"l’orgueil" où les habitants sont "petits"
parce que leurs désirs sont bornés vers l’autosatisfaction
qui les réduit à la solitude. La "cité
terrestre" est née de CAÏN et repose sur un crime
fratricide. Tandis que la cité de Dieu repose sur le sacrifice
et sur l’oubli de soi. La grâce est le vrai fondement
de la cité de Dieu qui seul soustrait les hommes à
"l’éternelle misère de la vie terrestre".
L’entrée dans la cité de l’inspiration
passe par l’utilisation de procédés ascétiques.
Cependant, quand l’ascète accomplit des exploits hors
du commun, il attire les foules à lui et par conséquent,
il doit fuir pour échapper à sa renommée.
La cité domestique
Dans la cité domestique le lien entre les êtres est
conçu comme une génération du lien familial,
c’est un territoire dans lequel s’inscrit la relation
de dépendance domestique. Dans le modèle domestique,
la grandeur est un état de dépendance d’où
les personnes tirent l’autorité qu’elles peuvent
à leur tour exercer sur d’autres. Connaître son
rang, c’est connaître sa grandeur et se connaître
("la folie serait de se méconnaître").
BOSSUET généralise dans une politique le principe
de la parenté, de l’héritage de sang qui donne
l’autorité divine à la personne du Prince et
de l’incarnation de l’Etat dans le corps du roi. Selon
BOSSUET, le roi est avant tout solitaire et responsable, il n’existe
que pour l’Etat dans lequel il se confond. Sa grandeur est
à la mesure de son sacrifice. Dans cette conception sacrificielle,
la célébration de ses vertus consiste à faire
voir dans toutes ses dimensions, l’ampleur auquel il consent
pour le bonheur commun, auquel il subordonne "la totalité
de ses satisfactions personnelle".
LA BRUYERE insiste sur le sacrifice du Prince et sur l’économie
de la relation qu’il entretien avec ses sujets. Le souverain
est le ministre de Dieu, il est en tant que tel, le dépositaire
du "serment" et le garant de la "subordination"
de cette cité qui fait lien entre tous les êtres dans
l’Etat. Dans la lignée les descendants sont subordonnés
aux ascendants, les enfants au père. L’amour du père
fait l’union entre les sujets unis. L’autorité
de l’Etat est le prolongement de l’autorité paternelle.
La soumission au Prince fait de la "multitude un seul homme",
elle constitue le fondement de la justice et du lien social parce
que "la subordination des puissants" met un frein à
l’expression sans limite des désirs égoïstes.
Les grands ne trouvent une justification de leur existence que dans
leur volonté de "protéger les petits".
La grandeur de la cité domestique s’inscrit dans une
chaîne hiérarchique et est définie comme la
capacité de renfermer dans "sa personne" la "volonté"
des subordonnés.
La cité de l’opinion
La grandeur de cette cité dépend de l’opinion
des autres. Cette grandeur sera envisagée à partir
de la définition de l’honneur que donne HOBBES.
Dans la cité de l’opinion, la construction de la grandeur
est liée à la constitution de signes conventionnels
qui condense et manifeste la force engendrée par l’estime
que les gens se portent. Ce qui permet de "faire équivalence
entre les personnes" et de "calculer leur valeur",
cela en fonction des gestes, des actes, des comportements et des
paroles. Selon HOBBES nous déterminons la valeur d’un
homme selon les signes d’honneur et de déshonneur.
Dans la cité d’opinion la grandeur ne dépend
que du nombre des personnes qui accordent leur crédit. Le
fondement de l’honneur, de la distinction est la puissance.
La grandeur dépend uniquement de l’opinion des autres
selon HOBBES, cette grandeur se mesure au degré auquel on
est exposé au regard d’autrui, à la visibilité
"être en vue" c’est à dire être
connu grâce à sa fortune, "à sa fonction
et des grandes actions honorables". L’obscurité,
au contraire est peu honorable.
En conclusion, la construction d’une grandeur peut être
fondée sur l’arbitraire des signes.
La cité civique
La cité civique fait reposer la paix sociale et le bien
commun sur l’autorité d’un "souverain désincarné".
La souveraineté est réalisée par la convergence
des volontés humaines (des citoyens) : la volonté
générale qui "ne regarde qu’à l’intérêt
commun". Dans contrat social de ROUSSEAU, les parties contractantes
sont envisagées comme membres de ce qui est souverain et
aussi "co-particulier".
Le contrat est un acte fondamental qui exerce sur les individus
deux actions à la fois contraires et reliées, J. J.
ROUSSEAU le nomme "balance" ou encore "compensation"
c’est un sacrifice qui est favorable à tous, qui fonde
et justifie la grandeur. La volonté générale
s’exprime dans l’exercice du suffrage.
Chaque membre de la cité possède "trois volontés
différentes" : "la volonté propre de l’individu"
qui tend qu’à son avantage particulier ; "la volonté
commune des magistrats" qui se rapporte uniquement à
l’avantage du prince et "la volonté souveraine"
qui est générale tant par l’Etat considéré
comme le tout, que par rapport au gouvernement considéré
comme une partie du tout.
La grandeur se représente sous la forme d’une qualité
de la conscience.
La cité industrielle
Dans la grandeur marchande, l’identification des biens extérieurs
demande un détachement vis-à-vis des gens et de soi-même
pour que ces objets puissent servir de support aux transactions.
La construction de la cité industrielle s’élabore
chez SAINT SIMON par une critique de ROUSSEAU. Dans son livre "Du
système industriel " SAINT SIMON met en cause des "métaphysiciens
et des légistes" qui sont opposés aux "industriels
et aux savants".
Celui-ci propose une "élaboration du positif tiré
de travaux" pour fonder une "physiologie sociale des corps
organisés" où la société est décrite
sous les traits d’une machine organisée. La société
est aussi susceptible d’être traitée pour des
pathologies (règles hygiéniques).
La cité industrielle est fondée le principe de "l’objectivité
des choses où se forment naturellement un système
social".
Les légistes devront s’occuper de faire les lois qui
pourront assumer le mieux la prospérité de l’agriculture,
du commerce et de la fabrication. Pour SAINT SIMON l’on doit
"considérer une association naturelle comme une entreprise
industrielle".
Troisième partie :
Les mondes communs
CHAPITRE 5 – Le jugement mis à l’épreuve
Les auteurs analysent l’engagement des principes d’ordres
dégagés de preuves permettant d’asseoir un accord
sur la distribution des états de grandeurs entre les personnes.
Chacun des ensembles d’objets associés aux différents
ordres constitue un monde cohérent.
Les états de grandeurs peuvent être attachés
de manière fixe aux personnes. L’entente doit se faire
en acte, avec des preuves réelles engageant des objets avec
lesquels les personnes se mesurent et déterminent leurs grandeurs
relatives.
L’impératif de justification exige en effet une qualification
légitime des gens (comme nous l’avons vu précédemment).
Selon les auteurs les philosophies politiques en restent au niveau
des principes et ne nous disent rien des conditions de réalisation
d’un accord effectif. Le modèle de cité que
nous avons décrit, s’appuie sur une différenciation
d’états de grandeurs et ne renseigne pas sur les modes
d’attribution de ces états à des personnes particulières.
Les auteurs vont analyser la question de la mesure des états
de grandeur, ainsi que les conditions d’application des principes
de justice et leurs contraintes d’établissement.
Les auteurs cherchent une théorie de l’accord et du
désaccord qui ne soit pas simplement une théorie des
arguments confrontés à des principes, mais un engagement
dans des actions d’êtres humains et d’objets.
Il s’agit d’étudier la pertinence des êtres
en présence par rapport à un même principe général
d’équivalence où la question du juste, de la
justice ou de la justesse de la situation peut être posée.
L’octroi d’un état de grandeur peut être
remis en jeu et la réalisation de la cité repose sur
des "épreuves de grandeurs" qui permettent d’attribuer
ces états.
L’attribution d’un état suppose une équivalence
générale à une personne et cette opération
est soumise au paradoxe du codage.
A chaque grandeur correspond différentes façons de
construire des épreuves de réalité, selon les
mondes : "on peut se réclamer du témoignage d’un
grand dont le jugement fait foi". Il est possible de montrer
la crédibilité dont on bénéficie auprès
du plus grand nombre, en invoquant la volonté générale,
en payant le prix ou en s’appuyant sur une expertise. La grandeur
est associée à une capacité à l’expression
générale.
Le litige va porter sur un désaccord sur les grandeurs des
personnes et sur le caractère plus ou moins stable de leur
distribution dans la situation. Ce litige va donc consister à
contester l’ordonnancement de la situation et réclamer
un réajustement des grandeurs. Quand un litige fait appel
à une épreuve, la situation est aménagée
de façon à lever une incertitude et à régler
un désaccord en faisant appel au "supérieur commun"
pour établir les grandeurs relatives des gens. La situation
litigieuse fait l’objet d’une transcription comme un
P. V., une consigne ou une confession.
L. BOLTANSKI et L. THEVENOT proposent une analyse "des mondes
communs" où l’ordre naturel peut être décrit
à l’aide de catégories définissant des
sujets, des objets, des qualifications et des relations désignées
par des verbes :
"Un principe supérieur commun"est un principe
de coordination qui caractérise la cité, c’est
une convention constituant l’équilibre entre les êtres.
Cette convention assure une qualification des êtres, le plus
souvent, il suffit de faire référence à la
qualification dans les états de grandeur ou aux "sujets"
et "objets" présents.
"état de grand" : Il existe plusieurs états
de grandeur. Les grands êtres sont les garants du "principe
supérieur commun", ils servent de repères et
contribuent à la coordination des actions des autres.
"Dignité des personnes" : Dans des ordres légitimes,
les gens partagent la même humanité exprimée
dans une capacité commune à s’élever
dans le bien commun. La dignité est considérée
comme aptitude des êtres humains.
"Répertoire des sujets" : Ces sujets sont le plus
souvent qualifiés par leur état de grandeur (petits
êtres ou grands êtres).
"Répertoire des objets et des dispositifs" : Les
objets et les dispositifs contribuent à objectiver la grandeur
des personnes (par exemple : les diplômes, les codes…).
"La formule d’investissement" est une condition
d’équilibre de la cité, puisqu’en liant
l’accès à l’état de grand à
un sacrifice, la formule d’investissement constitue une "économie
de grandeur". La grandeur procure des bienfaits à la
personne qui accède à cet état, mais la grandeur
suppose aussi le sacrifice des plaisirs particuliers associés
à l’état de petit.
"Le rapport de grandeur" spécifie la relation
d’ordre entre les "états de grandeur". Il
précisent la façon grand/petit et contribue au bien
commun (façon dont les grands expriment les petits).
"Les relations naturelles entre les êtres" les
rapports doivent s’accorder aux grandeurs des sujets et des
objets.
"Les figures harmonieuses de l’ordre naturel" celles-ci
sont convoquées comme des "réalités"
conformes au principe d’équité.
"L’épreuve modèle" est le moment
dans lequel un dispositif particulier se trouve engagé.
"Le mode d’expression du jugement" marque l’expression
de la sanction, ce mode d’expression caractérise la
forme de manifestation du supérieur commun.
"La forme de l’évidence" est la modalité
de connaissance propre au monde considéré.
"Etat de petit et déchéance de la cité"
est la qualification de l’état de petit caractérisé
par l’autosatisfaction.
De manière générale pour les auteurs, la réalisation
d’un accord justifiable suppose non seulement qu’il
soit possible de construire un système de contraintes régissant
l’accord, mais aussi que les personnes soient dotées
des capacités adéquates pour se soumettre à
ces contraintes.
Pour qu’il y ait ordre et accord dans la cité, les
personnes doivent détenir une compétence "un
sens moral" qui implique l’intégration des deux
contraintes fondamentales qui soutiennent la cité : "une
contrainte de commune humanité" supposant la connaissance
et l’identité commune des êtres humains avec
qui l’accord doit se faire et une contrainte d’ordre
supposant la généralité d’un principe
de grandeur réglant les rapprochements possibles.
Donc pour s’accorder sur ce qui est juste, les personnes doivent
connaître un bien commun et être "métaphysiciens".
Pour juger le juste, il faut aussi être capable de reconnaître
la nature de la situation et de mettre en œuvre le principe
de justice qui lui correspond.
Afin d’étudier des situations où se déploient
les formes du bien commun, les auteurs sont partis d’ouvrages
destinés à aider les personnes à se conduire
normalement. Ce sont des précis à laquelle la tradition
rhétorique donne le nom de "prudence" comme par-exemple
"le livre du courtisant" de CASTIGLIONE ou "l’homme
de cours" de GRACIAN.
Dans "le traité des devoirs" CICERON disserte sur
la capacité de s’ajuster aux circonstances et le "calcul
des devoirs", ainsi que le degré d’urgence des
services à rendre, connaissances qu’il nomme "prudentia".
Pour les auteurs, la délibération est le propre d’un
homme prudent, qui peut trouver son expression moderne dans l’impératif
de justification, tel qu’il se manifeste dans un univers à
plusieurs mondes communs.
Les six traités ou guides analysés mettent chacun
en évidence une cité particulière et on pour
point d’application le même espace.
Les auteurs remarquent que les manuels ou les guides actuels sont
destinés à des cadres d’entreprise et ont pour
finalité d’une part, de favoriser la créativité
des gens, de favoriser de bons rapports avec les supérieurs
hiérarchiques, les subordonnés, les collègues,
les clients et les visiteurs. D’autre par, il s’agit
de guide de communication, de maîtrise de l’image, de
la renommée de l’entreprise, d’une personne,
d’un produit. Enfin, il s’agit de faire valoir une opinion
par le biais des relations publiques ainsi que des stratégies
de marché. Les auteurs signalent que ces ouvrages proposent
des conseils pratiques de "prudence" et non des systèmes
de philosophie politique.
1. Le guide du monde inspiré
sera analysé à travers l’étude du livre
de B. DEMOY "la créativité pratique", qui
est un guide à l’usage des entreprises qui souhaitent
ouvrir leurs personnels à l’apprentissage de la créativité.
2. Le guide du monde domestique
sera présenté à partir du livre de P. CAMUSAT
"savoir-vivre et promotion" où l’auteur souhaite
transmettre l’art des relations personnelles harmonieuses
aux autodidactes ayant bénéficiés d’une
promotion dans les entreprises. Il montre le déploiement
du monde domestique sur le lieu de travail, les liens entre la réussite
professionnelle et la vie de famille.
3. Le guide du monde de l’opinion
sera présenté à partir du livre de C. SCHNEIDER
"principes et techniques des relations publiques" qui
est consacré à l’art des relations publiques
et vise à la construction d’une grandeur de renommée.
4. Le guide du monde civique
montre l’agencement du monde civique dans les entreprises
à travers deux guides syndicaux publiés par la CGT
: "Pour élire ou désigner les délégués"
et "La section syndicale".
5. Le guide du monde marchand
sera analysé à partir du livre de M. McCORMACK "tout
ce que vous n’apprendrez jamais à Harvard. Notes d’un
homme de terrain" où l’auteur réunit des
conseils pratiques sur l’art de faire des affaires.
6. Le guide du monde industriel
sera présenté à travers le livre de M. PIERROT
"Productivité et condition de travail". C’est
un guide diagnostic pour entrer dans l’action dont l’objectif
est de composer l’impératif de productivité
qui exprime parfaitement le principe supérieur commun du
monde industriel.
CHAPITRE 6 – Présentation des mondes
Les auteurs vont présenter les différents mondes
à partir de l’analyse de manuels et de guides visant
à enseigner la façon de se conduire avec discernement,
dans des situations régies par chacune des formes de bien
commun.
Dans le monde de l’inspiration.
Les êtres doivent se tenir prêts à accueillir
les changements d’état au gré de l’inspiration,
ainsi ce monde est peu stabilisé. Le monde inspiré
doit affronter le paradoxe d’une grandeur qui se soustrait
à la mesure ou contingence. Sa forme d’équivalence
privilégie la singularité.
Le principe supérieur commun est le jaillissement de l’inspiration.
L’état de grand a les attributs qui sont ceux de l’inspiration.
C’est un état spontané, un état intérieur.
Est grand ce qui se soustrait à la maîtrise et s’écarte
du commun.
La dignité des personnes se rapporte au désir de créer
et à l’inquiétude de la création
Le répertoire des sujets. Les plus grand créateurs
sont souvent méprisés du monde.
Les objets et les dispositifs qui équipent la grandeur ne
sont pas détachés de la personne, ils relèvent
de l’esprit et du corps.
La formule d’investissement considère qu’il faut
s’évader de l’habitude, de la routine et tout
remettre en question en se libérant de l’inertie du
savoir
Le rapport de grandeur affirme la valeur de la singularité
Les relations naturelles entre les êtres sont une alchimie
des rencontres imprévues, des "relations de création
où chacun des êtres créés et se laissent
créer par les autres".
Le figure harmonieuse de l’ordre naturel est l’imaginaire,
"toute création a recours à l’imaginaire.
L’épreuve se situe dans l’aventure intérieure,
le vagabondage de l’esprit hors des limites tracées.
Le jugement c’est celui d’un éclair de génie,
ce sont les moments de plénitude de l’inspiration
L’évidence. Le vrai n’est pas directement accessible
aux sens
La déchéance serait dans le retrait hors du rêve,
la tentation du retour sur terre, il conduirait à la chute
Dans le monde de domestique
Celui-ci ne se déploie pas seulement dans le cercle des
relations familiales, mais aussi dans les relations personnelles
qu’entretiennent les gens.
Le principe supérieur commun c’est l’engendrement
au fur et à mesure des générations. C’est
le respect de la tradition et de la hiérarchie qui établissent
un ordre entre les êtres de nature domestique.
L’état de grand correspond à la supériorité
hiérarchique
La dignité des personnes est liée à l’aisance
de l’habitude
Le répertoire des sujets se situe dans les relations qu’entretiennent
les êtres avec leurs semblables. Les grands êtres sont
le roi, le chef, la famille. Les petits êtres sont moi, je,
célibataire
Les objets de ce monde sont les règles de savoir-vivre comme
les bonnes manières, la présentation, les cadeaux,
les formules de politesse
La formule d’investissement réside dans le fait que
les grands ont des devoirs à l’égard de leur
entourage, ces devoirs réclament le rejet de l’égoïsme
Le rapport de grandeur est le respect et la responsabilité
de l’ordre des êtres de la même maison
Les relations naturelles entre les êtres. L’accès
à la supériorité passe par une bonne éducation
où les êtres doivent assurer la permanence et la continuité
de la tradition
Le figure harmonieuse de l’ordre naturel s’expriment
par les figures de la convenance, des usages, des principes, c’est
l’âme du foyer.
L’épreuve est le modèle de la famille qui prend
sa place lors des cérémonies familiales (réceptions,
communion)
Le jugement est du ressort de celui qui est supérieur, il
accorde sa confiance, considère, juge, fait des remontrances.
L’évidence. Ce qui soutient le jugement relève
de "l’exemple", des conduites exemplaires des personnes
appréciées et mises en valeur.
La déchéance serait liée à l’instabilité,
à la précarité qui caractérisent "les
êtres misérables", le laisser-aller du sans-gène.
Dans le monde de l’opinion
Ce monde accorde un prix à la mémoire, mais celle-ci
n’est pas permanente, ainsi les célébrités
peuvent être oubliées du jour au lendemain.
Le principe supérieur commun est la réalité
de l’opinion des autres, les réactions de l’opinion
publique conditionnent le succès
L’état de grand provient de la célébrité,
de la visibilité liée au caractère plus ou
moins accrocheurs, persuasifs ou informatifs des êtres
La dignité des personnes vient du désir d’être
reconnu, car les personnes ont en commun d’être mues
par l’amour propre
Le répertoire des sujets est constitué par les vedettes
et leurs supporters, les leaders d’opinion
Les objets. Pour se faire remarquer, il faut posséder une
image ou détenir une marque qui apparaît dans les médias
et qui véhicule un message vers un public visé
La formule d’investissement correspond au renoncement au secret
(c’est le prix à payer)
Le rapport de grandeur est lié à la potentialité
à l’identification. Les grands comprennent les autres
parce qu’ils s’identifient à eux
Les relations naturelles entre les êtres sont de l’ordre
de l’influence, de la persuasion pour attirer
Le figure harmonieuse de l’ordre naturel est l’image
auprès le public ciblé, l’audience
L’épreuve consiste en la représentation de l’événement
placé sous le regard des autres. Les êtres n’accèdent
à la grandeur que si elle est rendue visible.
Le jugement correspond à mesurer la convergence des opinions
L’évidence c’est être connu, c’est
le succès
La déchéance est liée à une situation
d’indifférence et une situation de banalité.
Dans le monde de civique
Ce sont les personnes collectives qui accèdent aux états
de grandeurs
Le principe supérieur commun est constitué par la
prééminence du collectif, de la conscience collective
ou la volonté générale
L’état de grand qualifie ce qui est réglementaire
et représentatif
La dignité des personnes est liée à leur aspiration
aux droits civiques, à la participation
Le répertoire des sujets. Les sujets sont les personnes collectives
et leurs représentants (partis, bureaux)
Les objets sont les formes légales ; lois, décrets,
tribunaux
La formule d’investissement c’est le renoncement au
particulier
Le rapport de grandeur est lié aux rapports de délégation
(l’adhésion, la représentation)
Les relations naturelles entre les êtres peuvent être
le rassemblement pour une action collective (mobiliser, prendre
la parole)
Le figure harmonieuse de l’ordre naturel est représentée
par la république démocratique (l’Etat, les
institutions représentatives)
L’épreuve passe par des manifestations défendant
une juste cause
Le jugement est lié au verdict du scrutin, le vote
L’évidence est représenté par les textes
de lois, des statuts, des règles juridiques
La déchéance serait la division, l’isolement
et l’individualisme
Dans le monde de marchand
Le principe supérieur commun est représenté
par la concurrence qui est elle-même la résultante
des actions d’individus mues par des désirs qui les
poussent à posséder les mêmes objets, les mêmes
biens rares
L’état de grand est lié à la convergence
des désirs qui expriment le prix
La dignité des personnes comprend l’intérêt,
le désir, l’égoïsme
Le répertoire des sujets est formé des concurrents,
des hommes d’affaires, des vendeurs, des clients
Les objets sont la richesse, les objets de luxe
La formule d’investissement est l’opportunisme, la liberté,
l’ouverture, le détachement
Le rapport de grandeur est le fait de posséder et de pouvoir
posséder
Les relations naturelles entre les êtres sont des relations
d’intérêts (acheter, vendre, négocier,
monnayer)
Le figure harmonieuse de l’ordre naturel est le marché
L’épreuve se fait dans le fait de faire des affaires,
c’est un "marché conclu"
Le jugement s’effectue par le prix, la valeur justifiée
L’évidence est l’obtention d’argent, de
bénéfices, de résultats, de rétributions
La déchéance serait la servitude de l’argent
Dans le monde industriel
C’est un monde où les objets techniques et les méthodes
scientifiques trouvent une place centrale.
Le principe supérieur commun est l’efficacité
et la performance dans l’organisation
L’état de grand est caractérisé par ce
qui est performant, fiable et opérationnel. Est petit ce
qui est inefficace, aléatoire et inactif
La dignité des personnes a pour origine leur travail et leur
énergie
Le répertoire des sujets : les professionnels (experts, spécialistes,
responsables)
Les objets sont les moyens de (outils, méthodes, plans)
La formule d’investissement se fait dans le progrès,
dans une vision dynamique
Le rapport de grandeur. Ce qui est grand c’est la potentialité
à maîtriser
Les relations naturelles entre les êtres seraient dans "le
fonctionnement régulier des êtres et des machines"
Le figure harmonieuse de l’ordre naturel se retrouve dans
l’organisation, le système
L’épreuve consiste en des tests, des mises en route,
des réalisations
Le jugement doit être effectif et correct, tout doit fonctionner
L’évidence passe par la mesure, la preuve de la régularité
temporelle
La déchéance serait l’action instrumentale,
traiter les gens comme de choses.
Quatrième partie :
La critique
CHAPITRE 7 – Le conflit des mondes et la remise en cause
du jugement
Il s’agit d’analyser la relation entre les différents
mondes. Ceux-ci seront examinés à travers l’étude
de situations critiques dans lesquelles les êtres relevant
de plusieurs natures sont simultanément mis en valeur. Il
sera analysé le sentiment d’injustice, de désaccord
qui porte sur le principe qui doit régler la réalisation.
Il s’agit de décrire d’une part, les figures
de la critique dans des situations de désaccords et d’autre
part, la forme particulière de retour à l’accord
qu’est le compromis.
La démarche des auteurs consiste à considérer
que les êtres humains à la différence des objets
peuvent se réaliser dans différents mondes. Les auteurs
étudient la possibilité d’accords justifiables
sous la contrainte d’une pluralité des principes d’accords
disponibles en fonction des valeurs.
Chaque personne doit affronter quotidiennement des situations relevant
de mondes distincts et doit savoir les reconnaître et se montrer
capable de s’y ajuster.
Les auteurs qualifient ces sociétés de "complexes"
au sens où leurs membres doivent posséder la compétence
nécessaire pour identifier la nature de la situation et pour
traverser des situations relevant des mondes différents.
Les principes de justice n’étant pas immédiatement
compatibles, leur présence dans un même espace entraîne
des tensions qui doivent être résorbées pour
que le cours d’action se poursuive normalement.
Pour esquisser l’analyse de la compétence dans une
société comportant une pluralité de principes
d’accords, nous partirons de situations dans lesquelles sont
mis en valeur des êtres pertinents dans des mondes différents.
Dans des situations de disputes, les personnes vont chercher à
mettre en valeur des êtres d’une autre nature dont l’émergence
introduit des grandeurs étrangères à l’épreuve,
celle-ci se trouve entachée de nullité. C’est
une opération de "dévoilement" qui étend
les possibilités de désaccords dans un modèle
à un seul monde, ainsi les personnes se trouvent dans l’impossibilité
de produire des arguments relevant d’autres principes que
ceux réglant la situation.
Le "dévoilement" consiste à aller puiser
"des machins" dans les circonstances et à les arracher
à la contingence ; la situation s’en trouve dénaturée.
Les personnes peuvent se soustraire à l’emprise de
la situation et mettre en cause la validité de l’épreuve
parce que relevant de tous les mondes possibles, elles ont la capacité
de se laisser "distraire". Les auteurs donnent l’exemple
suivant : il est possible de dévoiler l’imposture d’une
élection en mettant en valeur la présence du notable
sous l’habit du magistrat, pour cela le dénonciateur
doit se projeter dans d’autres mondes que celui du monde civique.
Il est donc possible de se soustraire à une épreuve
en cours en la considérant et en la jugeant de l’extérieur.
Les auteurs présentent les différents cas de figures
dans lesquelles la connaissance des autres mondes permet d’étendre
le désaccord à l’épreuve elle-même.
Dans un premier cas ; la référence à d’autres
mondes vise à renforcer la validité de celle-ci, en
épurant les conditions de sa réalisation qui sont
seules mises en cause. Dans un second cas, la présence d’êtres
d’une autre nature est mise à profit pour contester
le principe même de l’épreuve, et retourner la
situation. C’est le cas où l’opération
de dévoilement est menée à son terme : Le premier
mouvement dénonce le bien commun en le dénonçant
comme bien particulier (dévoiler au sens de démasquer
les fausses apparences). Un second mouvement, consiste à
faire valoir le bien commun d’une autre cité (dévoiler
au sens de mettre en valeur une vraie grandeur), l’inversion
se signale par l’usage d’une conjonction qui lie le
dévoilement à la réalité : "en
fait", "en réalité".
Connaissant plusieurs mondes, les personnes ont la possibilité
de contester la validité des épreuves auxquelles elles
sont soumises. Cette mise en cause s’appuie toujours sur le
dévoilement d’une discorde entre l’état
dans lequel se trouvent les personnes engagées dans l’épreuve
et la nature des objets qu’elles doivent mettre en valeur.
Cette mise en cause peut prendre deux formes :
On peut montrer que l’épreuve est "injuste"
parce que les objets nécessaires à sa réalisation
font défaut, on dira qu’il s’agit d’un
simulacre d’épreuve. Il est aussi possible de montrer
que l’épreuve est injuste parce qu’elle tient
compte d’objets relevant d’une autre nature, critiquer
la façon dont est estimée la grandeur de la personne
: surévaluée ou ayant bénéficiée
de privilèges.
Dans le cas où s’instaure un "différent",
le désaccord portera non seulement sur la grandeur des êtres
en présence, mais sur l’identification même des
êtres, sur la "réalité" et sur le
bien commun auxquels il est possible de faire référence
pour réaliser un accord. La visée sera de démystifier
l’épreuve et instaurer une autre épreuve dans
un monde différent (mettre en cause la pureté de l’épreuve).
Si l’on veut introduire une critique prenant appui sur la
présence d’êtres d’un autre monde cela
va dépendre de la façon dont la situation a été
agencée ; s’y prêtent particulièrement
les "situations troubles" où l’ambiguïté
des "assemblages composites" suscite chez les participants
un sentiment d’embarras et d’inquiétude vis-à-vis
de l’épreuve.
Lors de l’apparition de différents, il s’agit
de contrôler les circonstances, en écartant les êtres
susceptibles de venir troubler la situation notamment dans les situations
explicitement orientées vers le jugement : les examens, les
procès.
Se soustraire à l’empire d’une situation peut
aussi conduire à "l’iniquité" (par
l’intermédiaire du transport de grandeurs) dénonçant
l’intervention de grandeurs étrangères à
la nature de l’épreuve. "Seul un jugement visant
les personnes peut être qualifié d’équitable".
Il faut tenir compte de la faculté de se détacher
de la situation, de se soustraire à l’épreuve
et construire un modèle à plusieurs mondes. Cette
maîtrise est appelée "prudence". Une justice
à plusieurs mondes suppose donc "le libre arbitre des
personnes capables, tour à tour de "fermer les yeux
et d’ouvrir les yeux".
La construction d’un univers soumis à une contrainte
de justification, c’est à dire de mise à l’épreuve
par la critique, suppose le déploiement de différents
mondes dont les objets accessibles à tous permettent la mise
en valeur, et par-là, "la maîtrise pratique des
justices fondées en principes".
CHAPITRE 8 – Le tableau des critiques
Analyse des critiques relevées dans les manuels déjà
utilisés pour présenter les différents mondes
servant à la preuve.
1. Critiques depuis le monde de l’inspiration
1-1 critiques depuis le monde de l’inspiration vers le monde
domestique
La grandeur a pour résolution de se préparer à
accueillir "les puissances de l’inspiration", il
faut donc sacrifier tout ce qui pourrait faire obstacle à
l’inspiration. De ce fait les critiques accomplis depuis le
monde inspiré portent sur ce qui "installe les personnes
dans la durée", ce qui est stable et figé (comme
les normes, la culture universitaire) et qui constitue un frein
à la créativité. Les créateurs doivent
être capables de remettre en cause les maîtres, alors
que les maîtres sont la référence dans le monde
domestique.
1-2 critiques depuis le monde de l’inspiration vers le monde
de l’opinion
Dans le monde inspiré, celui qui connaît le mystère
de l’inspiration doit être humble. Accorder de l’importance
à l’opinion des autres, entraîne des discordes
et des révoltes personnelles qui font taire l’imagination.
La relation aux autres n’est qu’une scène sur
laquelle des personnes inauthentiques jouent des rôles sur
le théâtre du monde.
1-3 critiques depuis le monde de l’inspiration vers le monde
civique
La grandeur civique est critiquée lorsqu’elle prend
des formes les plus instituées, considérées
comme menant vers un "état inhumain".
1-4 critiques depuis le monde de l’inspiration vers le monde
marchand
L’argent fait partie des servitudes, il faut s’en affranchir
pour être en état de recevoir l’inspiration La
créativité n’est pas un produit commercial.
1-5 critiques depuis le monde de l’inspiration vers le monde
industriel
Ce monde industriel introduit de la rigidité de la routine,
la "répétition instrumentée" qui
fait obstacle à la créativité. C’est
en quelque sorte "l’oppression du raisonnable" de
la compétence, de l’autorité.
2- Critiques depuis le monde domestique
2-1 critiques depuis le monde domestique vers le monde de l’inspiré
Le monde de l’inspiration a un caractère instable
de "laisser-aller". Les personnes ne contrôlent
pas leurs affects et perdent leur sang-froid
2-2 critiques depuis le monde domestique vers le monde de l’opinion
Le savoir-vivre a valeur pour lui-même sans faire l’objet
d’un usage intéressé afin de séduire
et de se faire des relations. La supériorité réelle
est opposée au paraître. Le monde domestique privilégie
la discrétion "on ne se donne pas en spectacle".
La discrétion dans les affaires est de mise.
2-3 critiques depuis le monde domestique vers le monde civique
Le monde civique n’aime pas le "on" du monde civique
qui se traduit par exemple par l’anonymat dans les lieux publics
qui permet aux personnes d’être "inconvenantes",
cette situation s’oppose au concept de "responsabilité
personnelle". Pour le monde domestique, la télévision
se substituerait à l’éducation et à l’autorité
du père.
2-4 critiques depuis le monde domestique vers le monde marchand
Dans le monde d’inspiration, le marché corrompt les
relations "tout ne s’achète pas". Dans l’ouvrage
de référence, l’auteur s’emploie à
rappeler les limites des relations marchandes, ainsi "l’argent
doit être subordonné au mérite". La question
complémentaire du prêt malgré une large diffusion
des opérations de crédit, cette question continue
à supporter la tension entre propriété domestique
et propriété marchande.
2-5 critiques depuis le monde domestique vers le monde industriel
Les objets de nature domestique sont des biens patrimoniaux enfermant
des "provisions" destinées à ce qui sera
engendré. Le monde domestique qualifie de mauvaise qualité
les produits standard de l’industrie et juge le formalisme
inadapté.
3- Critiques depuis le monde de l’opinion
3- 1 Critiques depuis le monde de l’opinion vers le monde
inspiré
La grandeur de renom dépend de l’opinion des autres,
elle n’est pas compatible avec la grandeur du monde inspiré
dont la confirmation tient à la sûreté d’une
intime conviction. L’inspiration est critiquée parce
qu’elle a une opinion singulière qui est aveugle à
l’opinion d’autrui. Ainsi les stars doivent renoncer
à avoir une vie privée, elles se doivent de se livrer
aux autres pour que les autres puissent s’identifier à
elles.
3- 2 Critiques depuis le monde de l’opinion vers le monde
domestique
La "réputation" au sens domestique est nécessaire
pour mettre en valeur la "célébrité"
au sens de l’opinion publique, mais il y a des distinctions
; ainsi l’information ne vise pas un destinataire en particulier,
mais un public dans son ensemble, le grand nombre. Le secret, "le
caché" du monde domestique est critiqué.
3- 3 Critiques depuis le monde de l’opinion vers le monde
marchand
La grandeur marchande est critiquée pour les risques de
compromissions auxquelles la publicité expose lors de la
formation de l’opinion.
3- 4 Critiques depuis le monde de l’opinion vers le monde
industriel
Le monde de l’opinion critique les techniciens ou les spécialistes
qui sont coupé de la masse de ceux qui cherchent à
s’informer.
4- Critiques depuis le monde civique
4 – 1 Critique depuis le monde civique vers le monde inspiré
Le monde civique critique la spontanéité et l’individualisme
du monde inspiré, car celui-ci mène à l’improvisation
et la montée "d'une avant garde éclairée".
L’inspiration est donc source de "déviations"
dans le monde civique, l’importance est liée à
une remontée de l’information, une réflexion
collective, une coordination.
4 – 2 Critique depuis le monde civique vers le monde domestique
Le lien civique se définit par le franchissement par rapport
aux relations de dépendance personnelle (telle que le paternalisme).
Le paternalisme est souvent critiqué lorsque le différend
porte sur le caractère collectif ou personnel du conflit.
Le monde civique permet de se libérer de l’autoritarisme
et prévient la corruption par l’élection où
réside l’indépendance du jugement. Le monde
civique permet de surmonter les divisions corporatistes.
4 – 3 Critique depuis le monde civique vers le monde de l’opinion
Dans le monde civique, le suffrage se sert de l’opinion des
individus indépendants pour donner une expression de la volonté
générale attachée au collectif. Cette conception
s’oppose à l’opinion publique qui est constituée
comme convergence d’adhésions de personnes soumises
à l’influence des autres (phénomène critiqué
en période électorale).
4 – 4 Critique depuis le monde civique vers le monde marchand
Le monde civique compose difficilement avec le monde marchand.
La société française a dû faire des efforts
pour réaliser un compromis entre deux formes de coordinations
; supportées respectivement par la volonté générale
et par le marché dressé l’un contre l’autre
dans l’expression d’une opposition irréductible
entre le bien public et les intérêts privés,
exprimé par l’opposition "entre l’égoïsme
des possédants et les travailleurs". Le monde civique
critique l’individualisme "la démocratie ne s’improvise
pas dans ce monde façonné par l’individualisme".
La définition des services publics se construit sur l’opposition
critique à l’égard d’une définition
du service marchand (opposition citoyen /client).
4 – 5 Critique depuis le monde civique vers le monde industriel
Le compromis entre le monde civique et le monde industriel fait
l’objet de critiques, particulièrement la critique
de la technocratie et de la bureaucratie.
5- Critiques depuis le monde marchand
5 – 1 Critiques depuis le monde marchand vers le monde inspiré
L’accès au marché exige des sacrifices comme
le détachement à l’égard de soi-même
et l’attention aux autres. La "distance émotionnelle",
le contrôle des émotions sont des conditions nécessaires
pour saisir les opportunités et faire des affaires, sans
se laisser aveugler par les sentiments impulsifs. Dans les affaires
le "sang-froid" va à l’encontre de l’authenticité
de l’inspiration.
5- 2 Critiques depuis le monde marchand vers le monde domestique
Le monde marchand contrairement au monde domestique, incite les
personnes à se libérer des relations personnelles.
Les spécificités, les attaches personnelles et les
liens locaux sont des particularismes dont on doit se libérer
pour accéder à un monde anonyme et sans frontières.
Le monde domestique doit braver les préjugés pour
accéder à l’opportunité.
5- 3 Critiques depuis le monde marchand vers le monde de l’opinion
Le monde marchand diffère du monde de l’opinion du
fait de l’existence de biens extérieurs qui servent
à régler la concurrence des appétits et à
déterminer la mesure des grandeurs. Le monde de l’opinion
mène aux méfaits de la spéculation et attache
beaucoup de prix à la célébrité.
5- 4 Critiques depuis le monde marchand vers le monde civique
Dans le monde marchand, l’action est une affaire privée
qui s’inscrit dans une opposition avec un espace public qui
tend à laisser dans l’ombre la relation aux autres.
L’"ingérence de la justice" dans les rapports
marchands est critiquée car elle détourne "du
face à face induit par le contrat".
5- 5 Critiques depuis le monde marchand vers le monde industriel
Le monde industriel est critiqué pour la rigidité
de ses outils, de ses méthodes qui s’adressent aux
structures, aux organigrammes, aux systèmes. En conséquence,
le technocrate à tendance à faire de mauvaises affaires.
6- Critiques depuis le monde industriel
6 – 1 Critiques depuis le monde industriel vers le monde
inspiré
Le monde industriel est troublé par l’incertitude
"gâchis de l’improvisation" des êtres
du monde inspiré, dû à l’imprévisibilité
des activités, le geste inspiré de l’inventeur
gène le fonctionnement de l’ordre industriel.
6 – 2 Critiques depuis le monde industriel vers le monde
domestique
Pour l’ordre industriel, les valeurs sont l’efficacité
et le progrès, alors le monde domestique lié à
la tradition est pensé comme étant dépassé.
Les autres critiques sont l’inefficacité des particularismes
et l’incompétence "des petits chefs".
6 – 3 Critiques depuis le monde industriel vers le monde
civique
Le monde industriel critique l’inefficacité des procédures
administratives et le coût des politiques sociales.
6 – 4 Critiques depuis le monde industriel vers le monde
marchand
Le monde industriel critique la consommation ostentatoire des produits
de luxe inutiles, ainsi que les prix injustifiés. Enfin,
le monde industriel met en évidence l’imprévisibilité
du caractère aléatoire des êtres marchands,
des caprices du marché.
Cinquième partie :
L’apaisement de la critique
CHAPITRE 9 – Les compromis pour le bien commun
Les auteurs analysent des situations composites comportant des
êtres relevant de plusieurs mondes, dans lesquels le différend
est écarté par un compromis évitant de recourir
à la preuve. Pour être acceptable le compromis doit
s’appuyer sur la visée d’un bien commun.
Les différents mondes ne sont pas étrangers à
la recherche d’un bien commun, il s’agit là d’une
forme de "compromis".
Dans le compromis, les différentes parties se mettent d’accord
pour composer, c’est à dire suspendre le différend,
sans qu’il ait été réglé par le
recours à l’épreuve. Le compromis suggère
l’éventualité d’un principe capable de
rendre compatible des jugements s’appuyant sur des objets
relevant de mondes différents.
Les auteurs remarquent que le principe visé par le compromis
demeure fragile "tant qu’il ne peut être rapporté
à une forme de bien commun constitutive d’une cité"
car la mise en place d’un compromis ne permet pas d’ordonner
les personnes selon une grandeur propre.
Lorsqu’un compromis a abouti, il peut à son tour servir
de point d’appui à la critique. Cette figure est plus
complexe car la critique prend appui sur un compromis déjà
"frayé" entre deux mondes. Les auteurs donnent
l’exemple du thème du "génie méconnu"
qui selon eux est un compromis entre l’inspiration et le renom.
Ainsi, la détermination du bien commun ne permet pas d’aller
très loin dans la controverse.
L’aboutissement d’un compromis contribue à dégager
les ressources susceptibles d’être mobilisées
pour étendre à de nouveaux principes le modèle
de la cité, mais l’indétermination du bien commun
visé par le compromis devient de plus en plus problématique.
La mise en cause de la validité de l’épreuve
conduit à formuler le principe qui la justifie.
Les auteurs prennent l’exemple de la philosophie durkheimienne
afin de montrer que celle-ci favorise l’établissement
de compromis et met en place de nouvelles grandeurs en clarifiant
le bien commun qui soutient des rapprochements légitimes.
La science morale de DURKHEIM reconnaît le principe d’utilité
et la division du travail qui soutiennent la cité industrielle.
La science morale, à la différence de l’économie
politique, détache l’utilité du principe marchand
pour les associer à une autre exigence qui repose sur la
solidarité. Il y a substitution de la "division du travail"
par "la division du travail social".
Selon les auteurs, la grandeur collective et la critique des valeurs
qui prennent appui sur l’économie politique sont indissociablement
liées. DURHKEIM a insisté sur la réalité
de "la société" de "l’être
collectif" (non réductible à une "collection
d’individus") spécifiée parfois comme Etat
ou Nation.
Selon les auteurs, l’économie politique, reposant
sur l’égoïsme et l’intérêt
par opposition aux "sentiments désintéressés"
de la morale sociale, ne peut fonder une société car
"l’extension des rapports marchands crée un monde
sans règle, sans morale et sans justice" dans laquelle
la cité se défait. Cette situation provoque ce que
DURKHEIM appèle "l’anomie" c’est à
dire la perte du bien commun, le désordre, l’arbitraire,
la discorde dans laquelle la force l’emporte sur la justice.
A travers l’analyse du socialisme, DURKHEIM entreprend de
"lier la grandeur de l’industrie et le bien de tous".
CHAPITRE 10 – Figures du compromis
Les différentes figures de compromis permettent de suspendant
la contrainte de justification. les auteurs vont examinent la façon
dont les sciences sociales opèrent le passage de la relativisation,
qui présente un caractère nécessairement instable,
au relativisme qui, recourant à des explications par les
rapports de forces, traite la force comme un équivalent général
sans référence au bien commun.
Les auteurs expliquent les différends compromis issues de
la rencontre des différents mondes :
1 – Compromis engageant le monde de l’inspiration
1-1 Compromis engageant le monde de l’inspiration avec le
monde domestique
"La relation initiatique de maître à disciple"
est l’aboutissement d’un compromis engageant le monde
de l’inspiration avec le monde domestique. L’auteur
de l’ouvrage destiné aux entreprises qui a été
analysé explicite la relation. Parce qu’il a expérimenté
lui-même ce qu’il est appelé à transmettre,
donc à devenir "maître" pour restituer.
1-2 Compromis engageant le monde de l’inspiration avec le
monde de l’opinion
Le compromis engageant le monde de l’inspiration avec le
monde de l’opinion converge vers le phénomène
d’hystérie des fans par identification. Dans le "Léviathan",
HOBBES montre que "les grands" sont des acteurs qui comprennent
"les petits" en les personnifiant par le moyen de signes.
1-3 Compromis engageant le monde de l’inspiration avec le
monde civique
"La remise en cause" est commune au monde de l’inspiration
et au monde civique, sous la figure de "l’homme révolté"
dans un mouvement organisé accompagné de méthodes
efficaces de mobilisation et où l’on peut s’appuyer
sur une théorie scientifique de l’histoire politique.
L’action révolutionnaire appartient aussi au monde
inspiré, car sa légitimation repose sur "l’expérience
vécue des travailleurs et sur leur prise de conscience",
mais cette dernière doit être prise en charge par des
porte-parole capables de mobiliser pour une action constructive.
Les échanges entre ces deux mondes sont favorisés
par les incertitudes qui pèsent sur les formes d’expression
de la volonté générale et "l’appareil
d’Etat".
La remise en cause du monde inspiré prend la voie de l’écrit,
mais aussi s’exprime au moyen de gestes de protestation destinés
à dévoiler "les impuretés qui compromettent
les épreuves civiques". La capacité de créer
est un compromis commun au monde inspiré et civique, lorsqu’elle
est accordée à un groupe par-exemple en mille neuf
cent soixante huit, qui selon les auteurs "fit prendre conscience
à beaucoup quel était le pouvoir de l’imagination"
par rapport à une "société bloquée".
1-4 Compromis engageant le monde de l’inspiration avec le
monde marchand
Ces deux mondes ont en commun l’instabilité, l’incertitude
et l’opportunité (savoir saisir sa chance). L’émergence
d’un objet nouveau peut-être l’occasion de soutenir
le compromis d’un "marché créatif "
en mettant à profit le hasard. L’expression "la
beauté n’a pas de prix" engage des compromis entre
le monde marchand et le monde inspiré.
1- 5 Compromis engageant le monde de l’inspiration avec le
monde industriel
Une des grandeurs communes à ces deux mondes réside
dans "la passion du travail rigoureux". Le compromis s’exprime
aussi dans la figure du responsable qui fait preuve d’efficacité
tout en se passionnant pour son activité. Souvent la "découverte"
(de l’inventeur) est le fruit d’un compromis entre l’intuition
insolite et l’innovation efficace.
2 – Compromis engageant le monde domestique
2-1 Compromis engageant le monde domestique avec le monde de l’opinion
Un des compromis qui s’installe entre ces deux mondes est
le fait d’entretenir des contacts, des relations avec les
gens. C’est à l’occasion de réceptions,
d’inaugurations que l’on peut "être vu"
et lier de nouvelles connaissances. Les repas sont l’occasion
d’inscrire la hiérarchie par le biais de la disposition
des personnes autour de la table (les places d’honneur).
2-2 Compromis engageant le monde domestique avec le monde civique
Un des compromis entre ces deux mondes se trouve dans le registre
"des bonnes manières" et du "savoir-vivre".
La maîtrise de cet art exige une correction envers les personnes
importantes qui appliquent le règlement, par exemple les
fonctionnaires.
2-3 Compromis engageant le monde domestique avec le monde marchand
La relation de monde domestique et du monde marchand permet d’obtenir
une certaine confiance dans les affaires. La notion de "service
sur mesure" est un compromis entre relations marchandes et
relations domestiques car elle comprend une relation personnelle.
Un autre lien est constitué par la "propriété"
qui est à la fois le résultat d’une négociation
marchande et d’une transmission via l’héritage.
2-4 Compromis engageant le monde domestique avec le monde industriel
Ces deux ont en commun "l’esprit et le savoir-faire
maison", l’efficacité des bonnes habitudes, de
la tradition. Le monde industriel s’est doté de dispositifs
de relations humaines qui tendent à rendre compatible des
normes d’efficacité et de bonnes relations entre les
personnes (les ressources humaines).
3 - Compromis engageant le monde de l’opinion
3-1 Compromis engageant le monde de l’opinion avec le monde
l’inspiration civique
Les deux mondes ont en commun la volonté de "toucher
l’opinion publique". Pour ce faire entendre lors de manifestations
revendicatrices pour le monde civique ou lorsqu’il s’agit
de mettre son nom au service d’une cause, le monde civique
va faire appel à une célébrité. Enfin,
dans le monde de l’opinion, la caution d’un "officiel"
légitime un sujet ou une campagne d’adhésion.
3-2 Compromis engageant le monde de l’opinion avec le monde
marchand
La notion "d’image de marque" réunit ces
deux mondes. La grandeur dans l’opinion que les gens ont d’un
bien marchand est le résultat de la publicité ou du
marketing. Le monde marchand fait appel à travers la publicité
à des "êtres renommés" (personnalité
du sport). Dans les deux mondes, il s’agit de construire une
image pour un produit ou pour une entreprise.
3-3 Compromis engageant le monde de l’opinion avec le monde
industriel
Le compromis entre les deux mondes se manifestent dans la confection
d’instruments permettant de mesurer l’audience d’une
campagne. C’est le domaine des sondages qui mesure l’opinion.
4 - Compromis engageant le monde civique
4-1 Compromis engageant le monde civique avec le monde marchand
Les auteurs n’ont trouvé aucun compromis entre les
deux mondes dans l’ouvrage examiné.
4-2 Compromis engageant le monde civique avec le monde industriel
Ces deux mondes peuvent se retrouver dans la figure du travailleur
supporté notamment par les dispositifs du syndicalisme et
l’équipement du droit social lui-même issu de
ce travail de compromis. C’est surtout à travers le
droit social qu’il y a rencontre et compromis.
Un des facteurs de l’accroissement de la productivité
des travailleurs peut résider dans leur motivation, qui elle-même
dépend de l’ambiance, de l’intérêt
du plus grand nombre dans le travail ; notion ou valeur appartenant
au monde domestique. Enfin, l’efficacité du service
public offre un exemple de compromis entre le monde civique et le
monde industriel.
5 - Compromis engageant le monde marchand
5-1 Compromis engageant le monde marchand avec monde industriel
L’entreprise crée un compromis entre un ordre réglé
par le marché et un ordre fondé sur l’efficacité,
le produit vendable en est la résultante. Dans le système
Fordien, il s’agissait de satisfaire la demande sur le marché
en rendant la production efficace. Un autre compromis entre ces
mondes se voit dans l’émergence de méthodes
pour faire des affaires, où il s’agit de gérer,
prévoir comme dans le monde industriel.
CHAPITRE 11 – La relativisation
"La présupposition d’un bien commun est nécessaire
pour fonder le compromis" mais il faut chercher à stabiliser
le compromis. La notion d’un intérêt général
a pour visée d’élever le compromis au-dessus
d’un accord "entre-personnes". Les auteurs nomment
la transaction entre deux personnes un "arrangement",
celle-ci est rapportée à leur convenance réciproque
et non en vue d’un bien général. Ce lien n’est
pas généralisable à tous, c’est du domaine
privé. En analysant la figure de l’arrangement, il
est possible de comprendre la façon dont un compromis peut-être
dénoncé en le réduisant à un arrangement
au bénéfice des parties prenantes, ainsi l’on
rapporte le "bien commun" non spécifié qui
vise le compromis à un intérêt entre personnes.
Lors d’une dispute, il peut arriver qu’une des parties
accuse l’autre de faire des "insinuations", situation
qui vise à dévoiler des intentions cachées.
Le besoin de clarification amène le locuteur à s’engager
plus en avant dans l’impératif de justification (qui
peut être associé à la dénomination d’une
coalisation cachée, par-exemple "discuter dans le dos,
faire des ragots".
Une autre façon de sortir de la dispute consiste à
renoncer à "soutenir un arrangement" ou se refuser
à clarifier une insinuation. Dans ce cas les protagonistes
ne peuvent pas échapper à la dispute qu’en suspendant
la contrainte de justification. Pour échapper au différend
les personnes peuvent "convenir de ce que rien n’importe",
figure que les auteurs nomment "la relativisation", dans
ce cas l’épreuve de réalité est abandonnée
au profit d’un retour aux circonstances, donc il n’est
plus envisageable de faire un rapport général. La
relativisation peut constituer une réponse à la peur
d’affronter une épreuve. Cette possibilité suppose
une connivence entre les personnes pour suspendre la question de
justice.
Le relativisme est un moment de la dispute particulièrement
instable qui suspend le différend. Passer au relativisme
nécessite d’adopter une position d’extériorité
non subordonnée à un bien commun. L’un des instruments
du "relativisme" est de réduire tout à un
simple intérêt (relativisme critique) et sert à
constater la réalité de toutes formes de sacrifices.
C’est la posture adoptée par NIETZSCHE pour s’affranchir
de la tyrannie des valeurs.
La troisième possibilité est de retomber sur un bien
commun grâce au relativisme qui peut faire alliance avec la
science. La réduction aux intérêts constitue
le moment critique du positivisme où la science s'émancipe
par rapport aux valeurs.
Les sciences de l’homme ont pris appui sur le relativisme
pour s’affranchir de l’autorité des valeurs,
celles-ci ne peuvent plus fonder l’accord sur la légitimité
d’une métaphysique. Les sciences humaines ne peuvent
ressaisir l’impératif de justification que dans le
dévoilement d’une illusion en usant du terme "d’idéologie".
Selon les auteurs, c’est dans les situations d’épreuves
que les personnes mettent en œuvre leur faculté de jugement,
cela pour sortir de l’épreuve et aboutir à un
accord.
POSTFACE
Vers une pragmatique de la réflexion
Cette étude a montré la pertinence de l’analyse
des opérations de justifications qui sont au cœur de
la dispute.
Les travaux présents consistent à étudier des
configurations dans lesquelles le poids de la justification est
différent, soit parce que l’acteur n’a pas à
affronter la critique et à argumenter, soit parce que l’exigence
de justification risque d’aboutir à une discorde.
La place de la justification peut être observée en
explorant les limites du cadre des situations où intervient
le modèle de la justification sans recours à la critique,
en dehors d’une controverse.
Dans le cas où les actions n’impliquent pas le concours
d’autres personnes et où il n’y a pas de contraintes
d’accords, c’est le cas d’une part lorsqu’il
y a coordination entre les actions d’un même individu
(acteur de son action) et d’autre part, dans le cas où
plusieurs personnes coordonnent leur action sans présenter
des exigences d’un commun accord. Enfin, les observations
de terrain ont fait apparaître des cas d’abandon de
la dispute sans qu’il y ait retour à l’accord
reposant sur des mises en équivalence.
Les auteurs ont analysé les étapes qui précèdent
et suivent la justification, ainsi qu’en amont l’analyse
du jugement de l’action ou le désaccord n’est
pas déclaré, puis en aval, suite au jugement l’analyse
des "modalités d’apaisement" et l’abandon
de la critique pour arrêter la dispute.
L’étude se situe en amont du jugement, au moment réflexif
de retour sur ce qui s’est passé et la façon
dont les acteurs sont venus à opérer ce retour. Le
moment du retour interprétatif débute avec la découverte
d’une "anicroche" qui permettra par la suite d’expliciter
les attentes à l’égard des choses ou des personnes.
Dans une autre situation, l’explication des divergences d’interprétation
va ouvrir la voie à d’autres possibilités, notamment
l’établissement d’un débat où se
manifeste le désaccord engageant l’avenir. Il s’ensuit
une crise, un moment d’incertitude dans lequel chaque parti
souhaite réduire l’incertitude et converger vers un
jugement visant à une validité générale.
La délibération orientée vers un jugement
est soumis à des contraintes argumentatives et à l’obligation
d’asseoir les arguments sur des preuves de constats pouvant
être légitimés. Au moment de la prise de décision
de portée générale, il y a arrêt de l’action.
Les auteurs remarquent que c’est précisément
la dimension argumentative de la justification qui est relativisée
par la philosophie politique, les théories de la justice,
et la rhétorique
Durant l’arrêt du jugement, le "sens du juste"
est discuté de même que l’on se préoccupe
des suites pragmatiques du jugement. La résolution de la
dispute passe par les étapes suivantes : elle suppose la
"qualification des capacités des personnes" car
le jugement fixe la relation de la capacité à l’acte.
L’exigence de qualification s’intègre à
"une ontologie de la personne qui reconnaît à
la fois la substance d’un être entre ses actes et sa
"puissance".
Le jugement risque toujours d’être arrêté
et dénoncé sous prétexte qu’il réduit
les personnes à leur qualification et dénonce la relativité
du pouvoir attaché à la personne.
Une autre situation peut donner lieu à l’arrêt
de la dispute : le pardon. Dans ce cas, la qualification des capacités
est subordonnée à ce qui suspend le jugement et l’action
reprend sans que les conséquences de la crise n’aient
été tirées.
Le jugement humain suppose l’acceptation de la tension entre
la qualification des "états-personnes" et la construction
de la notion de personne comme être irréductible à
ses qualifications. Le jugement demande aussi de la tolérance
entendue comme une exigence pragmatique pour comprendre la position
des autres acteurs.
La crise et le jugement sont des occasions dans lesquelles les
acteurs exposent et déploient verbalement leur action en
constituant des faits au moyen du langage. Les auteurs remarquent
que c’est à cette occasion que "la transposition
de la pratique des acteurs dans un exposé scientifique supporte
les risques de déformation le plus faible". C’est
au moment de la justification que l’on peut entrer sur le
terrain de l’action. Ainsi pour comprendre le cours des activités
humaines, les personnes doivent naviguer continuellement entre la
réflexion et l’action ou entre la "maîtrise
consciente" et "le cours des choses".
L’étude de la faculté de juger indispensable
à l’analyse du sens du juste n’épuise
pas tous les champs d’investigations, car "la tension
qui pèse sur le sens du juste quand il (le sens) est mis
en œuvre" lui échappe.
6 – ILLUSTRATION PAR DES RÉFLEXIONS
Avec un dispositif théorique dépassant les clivages
entre sociologie et économie, les auteurs dévoilent
la diversités des grandeurs et des conflits potentiels dans
les organisations (entreprise ou mouvement collectif).
Montrer la complexité du social peut permettre de comprendre
des tensions et des conflits entre le monde économique et
monde civique qui jusqu’à présent étaient
pensés séparément : Cette réflexion
peut être illustrer notamment par le débat sur la gestion
des services publics et la notion sous-jacente l’intérêt
général.
Selon Y.F. LIVIAN et G. HERREROS (1) les résultas de l’analyse
de BOLTANSKI et de THEVENOT font apparaître combien il est
illusoire d’avoir recours à des idéologies manageriales
unificatrices, soumises à des modes rapidement renouvelées
(projet, excellence, qualité total, etc…). Ils ajoutent
que le développement des techniques de communication ne peuvent
suffire à résoudre des conflits qui supposent un décodage
approfondi des logiques complexes à l’œuvre dans
les organisations. L’analyse des logiques d’action constitue
un atout pour les sciences de gestion.
(1) Y.F. LIVIAN et G. HERREROS, article "Une nouvelle grille
d’analyse des organisations ?" in Revue Française
de Gestion, nov/déc 1994 p.43.
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